Non, les aides directes aux entreprises ne sont pas de la compétence du département !

Public - Droit public général
19/05/2017
Dans sa décision du 12 mai, le Conseil d’État a rejeté la requête de l’Association des Départements de France qui souhaitait que les départements « recouvrent » leur compétence en matière d’aides directes aux entreprises.

En partie supprimée (L. n° 2010-1563, 16 déc. 2010 de réforme des collectivités territoriales), puis restaurée (au profit des départements et des régions : L. n° 2014-58, 27 janv. 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi « MAPTAM »), puis à nouveau supprimée (cette fois que pour les départements et les régions : L. n° 2015-991, 7 août 2015, portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe »), la clause générale de compétence n’en finit pas de renaître et disparaître.

À ce jour, seules les communes bénéficient de cette clause, les départements et les régions ayant maintenant des compétences précises détaillées par la loi.

C’est justement cette dernière disparition, avec ses pertes d’attributions, qui a motivée la longue croisade dans laquelle s’est engagée l’Association des Départements de France (ADF).

Par plusieurs requêtes devant la justice, l’ADF a réclamé à cor et à cris le retour de certaines de ses compétences, notamment – et c’est ce qui a motivé la demande qui nous intéresse – dans le domaine des aides directes aux entreprises par le département.

L’association a sollicité devant le Conseil d’État l’annulation de l’instruction du gouvernement du 22 décembre 2015 relative à la nouvelle répartition des compétences en matière d’interventions économiques des collectivités territoriales et de leurs groupements, issue de l’application de la loi « NOTRe », en ce que « les ministres [signataires] auraient outrepassé l’étendue de leur compétence en donnant instruction aux préfets de retenir une interprétation restrictive de la loi en tant qu’elle porte sur les compétences du département [CGCT, art L. 3211-1, art. L. 1511-2, art. L. 1111-10, art. L. 3232-1-2, art. L. 3231-1, art L. 1511-3] et ainsi d’en avoir méconnu les dispositions ».

Dans sa décision du 12 mai, la Haute juridiction administrative a rejeté cette requête. Son raisonnement tient principalement en trois points :

En premier lieu, s’il est vrai que l’article L. 1111-8 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) permet à une collectivité territoriale de déléguer à une autre une compétence dont elle est attributaire, il résulte de l’article L. 1511-2, « que le conseil régional, seul compétent pour définir les régimes d'aides et pour décider de l'octroi des aides aux entreprises dans la région, ne peut déléguer l'octroi de tout ou partie de ces aides qu’à la métropole de Lyon, aux communes et à leurs groupements, et non aux départements. Dès lors, en indiquant, en annexe de l’instruction attaquée, que ʺle département ne peut pas recevoir délégation de la région en matière d’aides aux entreprisesʺ, tout en précisant que cette impossibilité de délégation qu’ils constatent est sans préjudice des compétences des départements en matière d’aides au titre de la solidarité territoriale, d’aides aux filières agricoles, forestières et halieutiques, d’aide à l’équipement rural et d’aides à l’immobilier d’entreprise, prévues par les article L. 1111-10, L. 3232-1-2, L. 3231-1 et L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales, les ministres auteurs de l’instruction n’ont pas méconnu les dispositions de l’article L. 1111-8 de ce code. »

En deuxième lieu, en faisant état, dans l’instruction attaquée, de ce que « la loi du 7 août 2015 a réduit les possibilités d’intervention du département. Il n’est plus compétent en matière d’interventions économiques de droit commun. Il conserve seulement des compétences déterminées par la loi pour intervenir sur des objets spécifiques et limités s’inscrivant dans le cadre de la solidarité territoriale, les ministres se sont bornés à résumer le cadre général de la réforme territoriale ».

Enfin, en troisième lieu, l’instruction attaquée indique que « le département peut octroyer des aides à l’investissement des communes et de leurs groupements et contribuer au financement des projets dont ces derniers sont maîtres d’ouvrage. Cependant, la contribution du département ne peut avoir pour effet d’apporter indirectement une aide à une entreprise ». Toutefois, elle ajoute que « lorsque l’initiative privée est défaillante ou absente, le département peut contribuer au financement des opérations d’investissement en faveur des entreprises de services marchands nécessaires aux besoins de la population en milieu rural, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par des communes ou des EPCI à fiscalité propre, et à la demande de ceux-ci ». En disposant ainsi, les ministres signataires se sont bornés à rappeler qu’une telle contribution ne peut légalement priver d’effets les règles encadrant les régimes d’aides. Ils n’ont fait que commenter les dispositions des premier et deuxième alinéas du I de l’article L. 1111-10 du CGCT fixant les compétences des départements. Ils ne les ont pas méconnues.

Source : Actualités du droit