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Protection des intérêts financiers de l’Union européenne : l’ordonnance au Journal officiel

Pénal - Procédure pénale, International, Droit pénal général
19/09/2019
L’ordonnance relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne au moyen du droit pénal a été publiée au Journal officiel le jeudi 19 septembre 2019. 
L’ordonnance n° 2019-963 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne au moyen du droit pénal (Ord. n° 201-963, 18 sept. 2019, JO 19 sept.) a été présentée le 18 septembre en conseil des ministres. Elle a pour objet de transposer la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017, dite « directive PIF ».
 
Une ordonnance rapidement publiée
L’ordonnance a été prise sur le fondement de l’article 202 de la loi PACTE (L. n° 2019-468, 22 mai 2019, JO 23 mai, art. 202) qui prévoyait que « dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire à la transposition de la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal ».
 
C’est seulement 4 mois après la publication de la loi PACTE, le 19 septembre 2019, que l’ordonnance a été publiée au Journal officiel. « L’objectif de cette directive est de contribuer, au moyen du droit pénal, à la protection des intérêts financiers de l’Union » précise le rapport au président de la République. Les intérêts étant : les recettes, les dépenses ainsi que les avoirs qui relèvent du budget de l’Union et de ses institutions. « Le préjudice subi par le budget de l'Union nécessite des mesures visant à garantir une protection effective de ses intérêts financiers et équivalente à celle que les États membres mettent en œuvre au bénéfice de leurs finances publiques nationales » est-il précisé.
 
Extension de la compétence des juridictions françaises
Ainsi, l’ordonnance est composée de 5 articles. Le premier étend l’application de la loi pénale française « aux infractions suivantes commises à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement ou exerçant tout ou partie de son activité économique sur le territoire français, lorsqu'elles portent atteinte aux recettes perçues, aux dépenses exposées ou aux avoirs qui relèvent du budget de l'Union européenne, des budgets des institutions, organes et organismes de l'Union européenne ou des budgets gérés et contrôlés directement par eux ». Il s’agit notamment d’escroquerie, d’abus de confiance ou encore de blanchiment.
 
Aggravation de la répression
L’article 2 de l’ordonnance aggrave la répression lorsque l’infraction « porte atteinte aux recettes perçues, aux dépenses exposées ou aux avoirs qui relèvent du budget de l'Union européenne, des budgets des institutions, organes et organismes de l'Union européenne ou des budgets gérés et contrôlés directement par eux » :
  • abus de confiance : l’ordonnance porte à cinq ans la peine d’emprisonnement, sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée et incrimine la tentative de ce délit ;
  • détournement de fonds publics européens commis en bande organisée : l’amende est portée à 2 000 000 euros, ou le double du produit de l’infraction ;
  • soustraction et détournement de biens contenus dans un dépôt public européen commise en bande organisée : la peine d’amende est portée à 750 000 euros ;
  • corruption et trafic d’influence en bande organisée : peine d’amende de 2 000 000 euros ou le double du produit de l’infraction.
 
Création d’un délit intentionnel de fraude douanière
L’article 3 modifie les infractions du Code des douanes et créé un délit réprimant la fraude douanière intentionnelle à l’exportation et à l’importation et unifie les comportements intentionnels frauduleux au sein d’un même article.
 
L’article 414-2 du Code des douanes dispose désormais qu’« est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l'objet de fraude, lorsqu'il est commis intentionnellement et qu'il se rapporte à des marchandises qui ne sont pas mentionnées à l'article 414, tout fait de contrebande ainsi que tout fait d'importation ou d'exportation sans déclaration. Est puni des peines prévues au premier alinéa du présent article tout fait intentionnel de fausse déclaration, d'utilisation d'un document faux, inexact ou incomplet ou de non-communication d'un document, ayant pour but ou pour résultat, en tout ou partie, d'obtenir un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage financier attachés à l'importation ou à l'exportation ». En cas d’infractions commises en bande organisée, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant aller jusqu’à dix fois la valeur de l’objet de la fraude.
 
Cet article instaure aussi pour le délit de blanchiment douanier (Code des douanes, art. 415) une circonstance aggravante de bande organisée et prévoit son applicabilité lorsque l’infraction porte atteinte aux intérêts financiers de l’Union.
 
Le quatrième article rend applicable l’ordonnance aux collectivités d’outre-mer régies par le principe de spécialité législative.
 
Un délai de six mois pour le projet de loi de ratification
Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance, soit au plus tard 19 mars 2020.
 
Et selon le compte-rendu du conseil des ministres du 18 septembre 2019, « cette ordonnance constitue une première étape vers un renforcement de la lutte contre la fraude au niveau européen, qui sera suivie par la mise en place du futur parquet européen, compétent pour poursuivre les infractions pénales qui portent atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne ». Un parquet européen qui devrait entrer en fonction en novembre 2020.
Source : Actualités du droit