Absence de titularisation à l’issue du stage : quel contrôle du juge ?

Public - Droit public général
26/12/2019
En cas de refus de titularisation d’un agent stagiaire, seule l’erreur manifeste d’appréciation peut être sanctionnée. Le juge devra donc veiller à distinguer le licenciement en cours de stage du refus de titularisation à l’issue de celui-ci. L’arrêt rendu par la Haute cour le 11 décembre a été l’occasion d’illustrer ces difficultés de qualification.
Une personne avait été nommée sous-préfète et directrice de cabinet du préfet de la Charente par décret du 2 août 2016. Le 31 juillet 2018, elle avait été nommée directrice de cabinet de la préfète du Cher. Le 4 décembre 2018, un décret du Président de la République a mis fin à ses fonctions. La fonctionnaire vient demander l’annulation du décret.
 
Comme le rappelle la Haute cour dans son arrêt (CE, 11 déc. 2019, n° 427522), le III de l’article 8 du décret du 14 mars 1964 portant statut des sous-préfets prévoit un stage de deux ans, qui doit se faire, en cas de nomination au tour extérieur, comme c’était le cas ici, dans les fonctions de directeur de cabinet du préfet. Enfin, selon le même article « à l’expiration de la période de stage, les sous-préfets recrutés en application du présent article sont soit titularisés, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d’emplois d’origine, soit licenciés ».
 
Licenciement du fonctionnaire stagiaire ou refus de titularisation ?
 
La principale difficulté posée par le décret mettant fin aux fonctions de la sous-préfète concernait la qualification juridique de la décision, comme l’a souligné la rapporteure publique Sophie Roussel dans ses conclusions. En effet, a-t-elle expliqué aux juges du Conseil d’État « selon (…) qu’est en cause le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un fonctionnaire stagiaire pendant la durée de son stage ou le refus de sa titularisation à l’issue de la période du stage », ce ne sont pas « les mêmes exigences en matière de procédure préalable, ni le même contrôle sur les aptitudes professionnelles » qui seront appliquées.
 
En cas de licenciement d’un fonctionnaire stagiaire, c’est le contrôle normal qui est appliqué par les juges (CE, 28 févr. 1997, n° 148935), tandis qu’en cas de refus de titularisation, le juge exerce un contrôle restreint.
 
Dans son arrêt, le Conseil d’État considère logiquement que le fait qu’aucune décision n’ait été prise à l’issue du stage « n’a pas eu pour effet de faire bénéficier l’intéresser d’une titularisation tacite », la titularisation en tant que sous-préfet ne pouvant se faire que par un décret du Président de la République. Il en déduit donc que la requérante « a conservé la qualité de stagiaire jusqu’à la date de la décision attaquée, ainsi intervenue à l’issue du stage et non dans le cours de celui-ci ».
 
Absence d’erreur manifeste d’appréciation
 
Sur la demande d’annulation de la requérante, Haute cour note que la décision n’avait pas à être motivée, ne s’agissant pas d’une décision disciplinaire.
 
Elle relève ensuite que si la requérante était en congé maladie à la date de la décision, « aucun texte ni aucun principe ne faisait obstacle à ce qu’il soit mis fin à ses fonctions et qu’il soit ainsi décidé de la licencier à l’issue de son stage ».
 
Enfin, sur les motifs ayant conduit à la décision de mettre fin aux fonctions de la sous-préfète, s’agissant d’un refus de titularisation et non d’un licenciement en cours de stage, la Haute cour exerce un contrôle restreint.

Elle relève ainsi que l’évaluation réalisée en février 2018, en cours de stage, faisait état de « son investissement et son dynamisme », mais « retenait en particulier la nécessité pour l’intéressée de trouver sa place en matière de sécurité publique et de confirmer son potentiel ».
 
L’évaluation réalisée quelques mois plus tard « a confirmé l’existence de problèmes relationnels de l’intéressée avec ses supérieurs hiérarchiques, ses collaborateurs et ses divers interlocuteurs dans le département, et d’un investissement globalement insuffisant dans ses diverses fonctions ».
 
La Haute cour en conclut que « le Président de la République, qui ne s’est pas fondé sur des faits matériellement inexacts, n’a pas, au vu de l’ensemble de ces circonstances, commis d’erreur manifeste dans l’appréciation des aptitudes de l’intéressée ».
 
Pour en savoir plus :
Source : Actualités du droit