Demande d’annulation d’une mesure de suspension provisoire prise par le président de l’Agence française de lutte contre le dopage : quels sont les pouvoirs du juge ?

Public - Droit public général
11/03/2020
Dans un arrêt rendu le 28 février 2020, le Conseil d’État énonce « Lorsqu’il est saisi d’un recours tendant à l’annulation d’une mesure de suspension provisoire, prise à titre conservatoire sur le fondement de l’article L. 232-23-4 du code du sport, le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité de cette décision à la date de son édiction et, s’il la juge illégale, en prononce l’annulation ». Au surplus, « il lui appartient, saisi de conclusions en ce sens, d’apprécier la légalité de la décision à la date où il statue et, s’il juge qu’elle est devenue illégale, d’en prononcer l’abrogation ».
En l’espèce, un joueur professionnel de rugby a fait l’objet d’un contrôle antidopage à l’occasion d’un match du Top 14. Dans ses urines, ont été détectées de la testostérone et des substances non spécifiées de la classe S1 des agents anabolisants figurant sur la liste des substances interdites. La présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage a prononcé, à titre conservatoire, à son encontre, une mesure de suspension provisoire applicable à l’ensemble des activités mentionnées à l’article L. 232-23-4 du code du sport. L’intéressé conteste cette décision.

Les pouvoirs du juge

La mesure de suspension contestée a été prise sur le fondement de l’article L. 232-23-4 du code du sport aux termes duquel « Lorsqu'un résultat d'analyse implique une substance interdite ou une méthode interdite, à l'exception d'une substance spécifiée au sens de l'annexe I à la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2, le président de l'Agence française de lutte contre le dopage ordonne à l'encontre du sportif, à titre conservatoire et dans l'attente de la décision de la commission des sanctions, une suspension provisoire : / 1° De la participation directe ou indirecte à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature (…) / La décision de suspension provisoire est motivée. L'intéressé est convoqué par le président de l'agence, dans les meilleurs délais, pour faire valoir ses observations sur cette mesure. / La durée de la suspension provisoire est déduite de la durée de l'interdiction de participer aux manifestations sportives que la commission des sanctions peut ultérieurement prononcer ».

Avant de statuer sur la légalité de la décision contestée, la Haute juridiction rappelle l’office du juge en cas de recours tendant à l’annulation d’une mesure de suspension provisoire prise sur le fondement de cet article. Il lui appartient d’apprécier « la légalité de la décision à la date de son édiction et si elle est illégale, d’en prononcer l’annulation ». Au surplus, il lui appartient, « saisi de conclusions en ce sens, d’apprécier la légalité de la décision à la date où il statue et, s’il juge qu’elle est devenue illégale, d’en prononcer l’abrogation ».

Les mesures conservatoires

La mesure de suspension provisoire prononcée sur le fondement de l’article L. 232-23-4 du code du sport est prise à titre conservatoire dans un objectif de protection de la santé des sportifs et de garantie de l’équité et de l’éthique des compétitions sportives.

Par ailleurs, même si cet article ne prévoit pas de durée maximale pour la mesure de suspension provisoire, la suspension prend fin lorsqu’intervient la décision de la commission des sanctions de l’Agence française de lutte contre le dopage. Si la mesure se prolonge au-delà d’un délai raisonnable ou si elle n’est plus justifiée, il appartient au président de l’Agence française de lutte contre le dopage de lever la suspension et ce, sous le contrôle du juge.

Pour le Conseil d’État, l’article L. 232-23-4 du code du sport apporte des limitations aux activités des sportifs professionnels et à leur droit du travail. Toutefois, elles sont justifiées par des objectifs d’intérêt général et ne sont pas disproportionnées compte tenu de leur encadrement et des hypothèses limitativement énumérées.

En outre, le président de l’Agence française de lutte contre le dopage n’est pas tenu d’attendre les résultats de l’analyse du second échantillon demandée par le sportif avant de prendre légalement une mesure de suspension à titre conservatoire.

Dans ces conditions, la requête est rejetée.
 
Source : Actualités du droit