Covid-19 : le Conseil d’État rejette les demandes d’accès aux soins et de dépistage systématique et régulier des personnes résidant en EHPAD

Public - Santé
Civil - Personnes et famille/patrimoine
06/05/2020
Dans deux ordonnances rendues le 15 avril 2020, le Conseil d’État, saisi en référé, par les associations Coronavictimes, le comité anti-amiante et plusieurs organisations syndicales du secteur sanitaire rappelle l’égal accès aux soins hospitaliers et aux soins palliatifs pour les résidents en EHPAD présentant des symptômes du Covid-19 et la mise en place d’une campagne de dépistage systématique des personnels et résidents des EHPAD dans lesquels un cas de contamination à ce virus a été constaté. Il refuse ainsi d’enjoindre à l’État de prendre des mesures complémentaires.
Les associations Coronavictimes, Comité anti-amiante Jussieu et plusieurs organisations syndicales du secteur sanitaire ont saisi le Conseil d’État sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Les libertés fondamentales invoquées à l’appui de ces recours sont le droit de recevoir les traitements et les soins appropriés à son état de santé, le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit de propriété, le droit à un recours effectif et le droit de ne pas subir des traitements inhumains et dégradants.

Elles (les associations Coronavictimes et Comité anti-amiante Jussieu) demandaient à la Haute juridiction d’enjoindre à l’État de prendre des mesures générales pour assurer un accès égal aux soins hospitaliers et aux soins palliatifs pour les résidents en EHPAD présentant des symptômes du Covid-19. Elles demandaient également que l'État prenne des mesures pour permettre aux personnes en fin de vie la présence de leurs proches et pour imposer de réaliser des tests systématiques pour connaître la cause de leur décès. Les organisations syndicales du secteur sanitaire demandaient d’enjoindre à l’État de prendre des mesures pour dépister de façon systématique et régulière les résidents et personnels des EHPAD, même en l’absence de symptômes du Covid-19. Les requérants demandaient également la distribution et l’utilisation systématique de matériels de protection (masques, gants, blouses, gel hydro-alcoolique) ainsi que la mise à disposition de matériels d’oxygénation pour les résidents qui ne nécessitent pas une hospitalisation.

Le respect de l’égal accès aux soins

Sur ce point, la Haute juridiction relève qu’il n’est pas établi que les hôpitaux refusent l’admission dans leurs services des personnes résidant en EHPAD. En effet, plusieurs recommandations préconisent au contraire d’admettre ces patients dans les hôpitaux lorsque leur état de santé le justifie : note du 27 mars 2020 du comité de scientifiques constitué au titre de l’état d’urgence sanitaire déclaré pour faire face à l’épidémie de Covid-19 intitulée « Les EHPAD : une réponse urgente, efficace et humaine », la « fiche ARS » du ministère des solidarités et de la santé du 30 mars 2020 et la recommandation d’une société savante de gériatres. Au surplus, les éléments chiffrés produits par le ministère des solidarités et de la santé démontrent que les personnes résidant en EHPAD continuent d’être effectivement admises dans les différentes structures des établissements de santé pour y recevoir les soins.

Enfin, les critères médicaux de l’admission en réanimation ne sont pas devenus plus strictes, en particulier pour les personnes âgées. En effet, des recommandations de sociétés savantes destinées aux professionnels de santé ont rappelé que l’admission en réanimation ne pouvait se fonder uniquement sur le critère de l’âge ou sur tout autre critère pris isolément.

Une prise en charge adaptée

Afin de garantir à chacun une fin de vie digne et la plus apaisée possible (CSP, art. L. 1110-2, L. 1110-5), le Conseil d’État relève la mise en place de mesures pour faciliter les interventions en soins palliatifs (CSP, art. L. 1110-9, L. 1110-10) aussi bien pour les personnes à domicile que pour les personnes résidant dans les EHPAD (astreintes « soins palliatifs », dispensations sous conditions de Rivotril, etc.)

S’agissant du droit des résidents à recevoir la visite d’un de leurs proches, des autorisations exceptionnelles de visite peuvent être accordées par les directeurs d’établissement à condition que des mesures soient prises pour protéger la santé de tous.

Enfin, afin de connaître l’étendue des décès causés par l’épidémie de Covid-19, le Haut Conseil de santé publique (HCSP) ne recommande pas à ce stade de l’épidémie et en l’état des capacités de diagnostic virologique, de réaliser un test de dépistage du virus chez les personnes décédées. En outre, une opération générale de dépistage dans les EHPAD a été annoncée.

Un dépistage systématique et régulier matériellement impossible
 
Le Conseil d’État note que par un avis du 31 mars 2020, le Haut Conseil de santé publique (HCSP) a recommandé de donner la priorité, en matière de réalisation des tests en matière de réalisation des tests diagnostiques dits RT-PCR, aux patients présentant des symptômes sévères de Covid-19 et aux personnels de structures médico-sociales présentant des symptômes évocateurs de ce virus, ainsi qu’à l’exploration des foyers de cas possibles au sein des structures d’hébergement collectif, en se limitant, dans cette dernière hypothèse, à trois tests par unité. Il excluait, dans cet avis, des indications prioritaires l’exploration de cas possibles en EHPAD lorsque le diagnostic a déjà été porté chez trois résidents, et exclu des indications de diagnostic par RT-PCR les personnes présentant peu de symptômes du Covid-19 et les personnes ayant été au contact d’un cas de Covid-19 confirmé. En annonçant une campagne de dépistage systématique des personnels et résidents des EHPAD dans lesquels un cas de contamination à ce virus a été constaté, la haute juridiction relève que le ministre chargé de la santé va au-delà des recommandations du Haut Conseil de santé publique. En outre, des campagnes de dépistage au sein des EHPAD de leur ressort vont être mises en place par certaines collectivités territoriales des zones particulièrement touchées par le virus.
 
S’agissant de la capacité de test, la Haute juridiction rappelle qu’elle s’élève en France au 11 avril à 21 000 tests par jour ouvré. Suite aux achats effectués, elle s’élèvera à 48 000 tests par automates et 40 000 tests PCR à la fin du mois d’avril et 60 000 tests par jour dans les semaines suivantes.
 
Il est, ainsi, matériellement impossible de soumettre, à bref délai, à des tests de dépistage systématiques et réguliers l’ensemble des personnels et résidents des EHPAD.
 
L’accès aux masques et aux matériels d’oxygénation

Sur les masques, le Conseil d’État rappelle que les personnels des EHPAD font partie des professionnels prioritaires pour en disposer avec un objectif chiffré à 500 000 masques chirurgicaux. Les autorités ont prévu une augmentation du nombre de masques disponibles en France par l’importation massive et l’encouragement de la production nationale.

En outre, il relève qu’une stratégie de gestion de l’oxygène médical en EHPAD a été définie par le ministre chargé de la santé. Compte tenu des tensions d’approvisionnement en concentrateurs individuels, afin d’assouplir les conditions d’accès à des solutions alternatives d’oxygénation, de nouvelles consignes ont été mises en places.

Dans ces conditions, les pouvoirs publics ont pris les mesures nécessaires pour assurer l’égal accès aux soins des personnes résidant en EHPAD et leur prise en charge. Compte tenu des moyens dont dispose l’État et des mesures qu’il a déjà prises, la Haute juridiction ne relève aucune carence portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifiant qu’il ordonne les mesures demandées par les requérants. Leurs demandes sont, ainsi, rejetées.
 
Source : Actualités du droit