Projet de loi prorogeant l’état d’urgence : des modifications importantes votées par le Sénat

Public - Droit public général
06/05/2020
Le 5 mai 2020, le Sénat a voté en première lecture le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Un texte qui a doublé de volume, avec des modifications significatives.
Présenté en conseil des ministres le 2 mai 2020, le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions a été voté par le Sénat, en première lecture, le 5 mai.
 
Rappelons que le texte initial comprenait 7 articles :
  • l'article 1er proroge l'état d'urgence sanitaire en vigueur pour une durée de deux mois, à compter du 24 mai 2020 ;
  • l'article 2 porte sur la règlementation des déplacements et des transports et d'ouverture des établissements recevant du public et des lieux de regroupement de personnes ; il précise également les régimes de mise en quarantaine et de placement à l'isolement ;
  • l'article 3 prévoit que les mesures individuelles de placement sont quant à elles prises par le représentant de l'État, sur proposition du directeur général de l'Agence régionale de santé et après constatation médicale de l'infection de la personne concernée ;
  • l'article 4 porte sur les recours à l'encontre des mesures liées à l'état d'urgence sanitaire ;
  • l'article 5 étend les catégories de personnes habilitées à constater la violation des dispositions prises sur le fondement de l'état d'urgence sanitaire ;
  • l'article 6 permet la mise en œuvre d’un système d'information aux seules fins de lutter contre la prorogation de l'épidémie de Covid-19 ;
  • l'article 7 porte sur les dispositions relatives à l’Outre-mer.
 
Le Conseil d’État dans son avis consultatif du 1er mai avait validé le texte, tout en proposant des évolutions notables de la rédaction de certains articles.
 
Aux termes de sa discussion au Sénat et de l’adoption de 50 amendements, le projet de loi a plus que doublé de volume, avec désormais quinze articles.
 
Voici ce qu'il faut retenir des principales évolutions du texte :
  • fin de l’état d’urgence sanitaire au 10 juillet (et non au 23 juillet) ;
  • apporte aux maires et aux autres élus locaux, ainsi qu’aux employeurs publics et privés, la garantie que leur responsabilité pénale ne pourra être engagée au titre des mesures prises dans le cadre de la sortie du confinement, notamment pour la réouverture des écoles, à moins qu’ils n’aient violé délibérément une obligation particulière de prudence ou de sécurité ;
  • retour, dès le 24 mai aux règles de droit commun concernant l’allongement de la durée de la détention provisoire ;
  • aménage le régime de responsabilité pénale des employeurs, élus locaux et fonctionnaires qui seront amenés à prendre des mesures destinées à permettre un retour à la vie économique et sociale ;
  • oblige les entreprises de transport ferroviaire, aérien et maritime, à transmettre les données de réservation correspondant aux passagers susceptibles de faire l’objet d’une mesure de quarantaine ou d’isolement à leur arrivée ;
  • renforce les garanties apportées, en matière de droit du travail, aux personnes visées par des mesures de quarantaine ;
  • encadre le système d’information de données de santé prévu par le projet de loi ;
  • élargit aux établissements sociaux et médico-sociaux, aux équipes de soins primaires et aux services de soin au travail l’accès à ce système d’information ;
  • exclut explicitement la possibilité pour la nouvelle loi de servir de base juridique au déploiement de l'application StopCovid ;
  • instaure un Comité de contrôle et de liaison Covid-19 chargé d'associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre l'épidémie par suivi des contacts ainsi qu'au déploiement des systèmes d'information prévus à cet effet ;
  • empêche que les victimes de violences familiales puissent être mises en quarantaine, placées et maintenues en isolement dans le même domicile que l’auteur des violences ;
  • autorise l’accès aux plages et aux forêts pour la pratique sportive ;
  • conditionne la mise en œuvre du système d’information de données de santé à un avis public et conforme de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ;
  • prévoit que les personnes en situation de fragilité financière sont exonérées des commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire et des facturations de frais et de services bancaires durant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire.
 
Le texte doit maintenant être examiné par l’Assemblée nationale :
  • à partir de 12h, le 6 mai, par la commission des lois ;
  • à partir de 9h, le 7 mai, en séance publique.
 
Précisons, enfin, que dans son avis, le Conseil d’État avait également attiré l’attention du gouvernement sur toute la série d’ordonnances prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire, principalement celles qui apportent des dérogations au droit commun en matière de délais : « Elles étaient justifiées par la situation d’arrêt massif de l’activité du pays provoquée par la mesure générale de confinement de la population à partir du 17 mars. Dès lors que ce confinement va être progressivement levé et que l’activité va reprendre, ces dérogations ne pourront plus se fonder sur leurs justifications initiales ». Il estime donc que « la nécessité et proportionnalité de ces dérogations doivent faire, de la part du Gouvernement, l’objet, dans les semaines qui viennent, d’un réexamen systématique et d’une appréciation au cas par cas ».
 
Si le gouvernement suit l’avis du Conseil d’État, voilà qui promet une nouvelle vague de textes qui ne va pas simplifier un droit dérogatoire décidément bien complexe…
Source : Actualités du droit